Témoignage de Jérémy Lachal, Directeur général et cofondateur de Bibliothèques Sans Frontières, Labellisé depuis 2015.
Article paru initialement dans le dossier spécial de Juris Associations n°616
Voilà désormais six ans que nous sommes engagés dans l’aventure IDEAS avec Bibliothèques Sans Frontières (BSF) ! Nous fêtons cette année notre treizième anniversaire et avons aujourd’hui atteint un certain stade de maturité. Mais notre – courte – histoire a été émaillée de périodes d’accélération et de croissance forte. La plus importante date de la période 2014-2016 et a vu, en l’espace de 18 mois, le budget de l’association être multiplié par quatre et le nombre de salariés passer d’une quinzaine à soixante-dix pour atteindre une centaine aujourd’hui. Cette accélération est en grande partie due au grand succès rencontré par les Ideas Box, ces médiathèques en kit créées par BSF avec le designer Philippe Starck. Initialement pensées pour apporter des outils d’accès à l’information et l’éducation dans les camps de réfugiés, leur usage s’est vite diversifié et des Ideas Box sont aujourd’hui déployées en France dans les quartiers populaires ou en zone rurale ou encore en Australie auprès des populations aborigènes. On en compte plus de cent à travers le monde qui accueillent un million de visites chaque année.
De telles phases d’expansion sont toujours un défi à relever pour les organisations. Un défi de qualité d’abord pour assurer le même niveau de professionnalisme des projets dans un contexte de démultiplication des interventions et de pression très forte. Un défi humain ensuite pour préserver le socle de valeurs fondamentales de l’organisation malgré la croissance du personnel. Un défi d’organisation et de redevabilité enfin pour assurer une mobilisation efficiente des ressources tout en structurant l’association.
Ces zones de tension créent nécessairement des frottements dans les organisations en croissance, parce qu’il faut en permanence faire un choix impossible entre delivery action et structuration. Et bien souvent, on se concentre sur la première pour répondre aux urgences en se disant que l’on aura bien le temps de structurer demain ! Je suis convaincu que c’est dans ces moments clés dans la vie des organisations qu’il faut savoir s’entourer et s’ouvrir aux regards et contrepoints extérieurs.
Nous avons eu la chance, chez Bibliothèques Sans Frontières, d’être très bien accompagnés pendant cette période de turbulences, à commencer par l’Institut IDEAS. Nous avons au départ décidé de nous lancer dans la labellisation pour nous donner un cadre et des contraintes dans la mise en œuvre de procédures et de méthodologies internes. Notre idée était qu’une contrainte extérieure pourrait nous pousser à aller plus vite et à nous aider à faire les arbitrages en urgence et la structuration quand il le faudrait. Nous étions loin de nous douter que cette contrainte voulue n’était en réalité que la pointe de l’iceberg.
Très vite, la qualité des outils IDEAS, la bienveillance et le professionnalisme des conseillers bénévoles et la richesse des échanges avec le Comité Label nous ont permis d’aller bien au-delà des objectifs que nous nous étions fixés initialement. Le processus de labellisation a été une première étape importante bien sûr, mais il a surtout permis d’installer durablement un état d’esprit volontaire au sein de l’organisation pour le développement de nouvelles procédures, la capitalisation des bonnes pratiques et le renforcement de la gouvernance associative. Cet état d’esprit qui irrigue toute l’association est fondamental pour ne pas s’arrêter à la simple création de procédures et de lignes de conduite mais bien assurer un travail de fond en matière d’adoption et de formation des équipes. Ainsi, le Label IDEAS est-il intervenu au bon moment dans l’histoire de BSF, comme catalyseur de bonnes pratiques mais aussi comme accélérateur de maturité d’une organisation encore adolescente.
Après deux ans de stabilisation, Bibliothèques Sans Frontières est aujourd’hui prête pour une nouvelle phase de croissance qui implique le développement des financements institutionnels, en particulier des bailleurs multilatéraux. Alors que cela signifie une nouvelle marche à franchir en matière de compliance et de redevabilité, il est intéressant de voir combien les équipes abordent cette étape avec sérénité et méthodologie. C’est à cet état d’esprit que l’on mesure l’apport profond que peut avoir IDEAS sur une organisation.
D’un point de vue externe, le Label est aussi un formidable outil de réputation et de réseau. De réputation d’abord parce que les équipes de l’Institut ont fait un formidable travail ces dernières années pour positionner et faire reconnaître le Label auprès de l’écosystème de la solidarité mais aussi du grand public. L’obtention du Label est un gage de bonne gestion qui rassure les bailleurs de fonds et souligne le volontarisme des associations pour se professionnaliser et s’améliorer. Il est difficile de mesurer l’impact exact sur l’obtention de financements ou le développement de nouveaux partenariats pour Bibliothèques Sans Frontières mais il est certain qu’il est souvent fait référence au Label dans nos discussions avec les bailleurs et les fondations.
L’institut IDEAS est aussi un réseau qui grandit de jour en jour et offre de nombreuses opportunités. C’est par exemple grâce au réseau IDEAS – et les rencontres que nous y avons faites – que nous avons pu développer le mécénat de compétences chez Bibliothèques Sans Frontières, notamment grâce à la relation privilégiée que nous avons noué avec de grands partenaires comme BNP Paribas. Les formations et les temps d’échanges organisés par l’Institut sont toujours des moments opportuns pour rencontrer de futurs partenaires et construire de nouveaux projets.
Et ce n’est que le début ! L’institut IDEAS fourmille d’idées et d’initiatives pour accompagner en profondeur la professionnalisation du secteur associatif en France. La publication de la nouvelle version du Guide IDEAS des bonnes pratiques à l’automne dernier est un bel exemple de ce dynamisme au service des associations. C’est grâce à des outils comme celui-ci et des structures comme IDEAS que nous pourrons construire des associations plus fortes et mieux armées pour relever les défis immenses de notre monde. C’est pour cela que c’est pour nous une très grande fierté de faire partie de cette belle famille !
Auteur :
Jérémy Lachal, Directeur général et cofondateur de Bibliothèques Sans Frontières
Article initialement paru dans Juris Associations n°616