Pour assurer sa pérennité, une association doit, à la fois, sensibiliser un public à ses valeurs et à ses projets, et réunir des ressources financières. Pour atteindre ces deux objectifs, l’association peut aussi s’appuyer sur sa communication financière, levier essentiel de mobilisation de toutes ses parties prenantes.
Cet article est rédigé par IDEAS, pour le n°45 d’”ACTU EXPERTS ASSOCIATIONS” (Lettre d’information des Experts-comptables aux associations) éditée par le Conseil Supérieur de l’Ordre des Experts-Comptables.
La communication financière s’est développée en France lors des privatisations de la fin des années 80. Mais à présent le terme s’applique aussi aux associations et aux fondations : pour assurer sa survie, une association doit, à la fois, réunir des ressources financières et sensibiliser un public à ses valeurs et à ses projets. S’articulant autour de ces deux nécessités1, la communication financière est une fonction essentielle dans le secteur associatif.
Très généralement, la communication financière désigne la transmission par une entité d’informations financières la concernant à ceux qui la soutiennent, la financent ou sont intéressés à son fonctionnement. Cette communication financière s’appuie sur les obligations juridiques de reddition de compte, mais va au-delà et vise à améliorer la visibilité. Enfin, c’est une activité à organiser.
Actu Expert Associations, n° 44 du dernier trimestre 2017, a déjà traité du cadre réglementaire de la reddition de comptes dans le milieu associatif. Cet article en développe les aspects organisationnels.
Positionner la communication financière dans le fonctionnement des associations
Fournir aux personnes intéressées une bonne lisibilité via une information sincère, précise, fiable devrait théoriquement permettre à une association de réduire ses coûts (ou le temps de recherche) de fonds, de contributions en nature ou de bénévolat, et ainsi, à collecte égale, d’accroître la part consacrée aux missions. Le propos n’est pas de développer cette théorie, mais il est évident qu’il sera plus facile à une association ou à une fondation de convaincre et qu’elle aura moins de démarches à accomplir pour équilibrer son budget si les remontées du terrain sous forme de données comptables ou de rapports de mission, finalement agrégées en comptes annuels ou rapports présentés aux organes délibérants, confirment :
1. le bien-fondé des projets de l’association, articulés du plan stratégique aux réalisations concrètes,
2. l’efficacité de l’organisation, structurée du conseil d’administration aux acteurs de terrain,
3. le bon équilibre du modèle économique entre les ressources annuelles collectées et leur emploi, et sa stabilité au fil du temps.
Ce qui fait ressortir et permet de schématiser l’ancrage de la communication financière dans le fonctionnement des associations.
Organiser la communication financière revient à monter une base de connaissances dans laquelle on puisera pour informer les destinataires externes ou internes. Cette base est alimentée en amont, par la description de la gouvernance (projets, structure et modèle économique) et en aval par l’évaluation2 ou la mesure de l’efficacité de l’action (comptes, tableaux de bord et rapports).
Des transformations préalables à la communication financière à l’accompagnement du développement dans les associations
La communication financière expose les associations. Mieux vaut qu’elles puissent démontrer qu’elles maîtrisent leur fonctionnement, depuis les ambitions qu’elles poursuivent jusqu’aux actions sur le terrain. Leur intérêt est donc de passer en revue leurs pratiques de gestion et de les réorganiser plus ou moins complètement : c’est l’occasion pour les associations de se professionnaliser et de se restructurer pour faire face à leurs difficultés et attirer des fonds de manière saine et durable, ce dont sociologues, statisticiens3 et financiers4 soulignent la nécessité.
Mais l’engagement dans cette démarche exige des efforts et demande l’accompagnement des organisations professionnelles.
D’expérience, on sait que ces réorganisations durent de 6 mois à deux ans (en délai, non en Equivalent Temps Plein) : six mois (1) lorsque l’association est conduite par un dirigeant qui a déjà l’habitude de bonnes pratiques de gestion, ou (2) lorsque l’association se fait aider d’un coach et d’un consultant ou d’un expert-comptable, ou encore (3) si elle s’est préparée par ses propres moyens ; deux ans ou plus lorsque la situation est moins optimale. Collaborer avec un organisme de labellisation permet de fixer un objectif mesurable, de cadencer la progression et de bénéficier de l’expérience d’accompagnateurs, bref de gagner du temps. Sauf pour les happy few qui bénéficient d’un coaching gratuit ou d’une intervention du Hub CDC, l’accompagnement comporte des débours qui peuvent dégrader le ratio de frais de fonctionnement mais qui sont nécessaires à la survie des associations et à la réalisation de leurs missions5.
Le besoin d’accompagnement6 est connu : depuis plusieurs années, une majorité d’associations souhaite être accompagnée par des experts du secteur sur toutes les questions liées à leur développement ou à leur consolidation. Selon le Rapport du Comité français sur l’investissement à impact social, l’absence d’accompagnement nuit aux associations comme aux autres entreprises sociales : les demandes de financement n’ont souvent pas la qualité requise, ce qui conduit à leur rejet. La période actuelle de disette budgétaire et d’essoufflement des collectes renforce ce besoin collectif de mise en ordre : le secteur associatif est un secteur en transition.
Le rôle des organisations professionnelles dans l’accompagnement d’un secteur en transition
La communication financière et ce qu’elle implique sur le fonctionnement sont encore des innovations et généralement les décideurs hésitent avant de changer les méthodes de travail. Les dirigeants d’association s’engageront dans les réorganisations préalables au développement de la communication financière d’autant plus facilement que leurs interrogations éventuelles auront trouvé leurs réponses, ce qui implique accord sur les modalités techniques et consensus sur le but à atteindre : on l’a vu dans les années 70 pour la modernisation de l’information comptable et financière7.
L’accord sur les aspects techniques viendra du rapprochement des usages et de leur normalisation : que des groupes de travail interprofessionnels, du même type que ceux que réunit l’Autorité des normes comptables mais avec une autre fonction, ou comme l‘Institut canadien (ICCA/CPA) réunissent des représentants des différentes parties prenantes afin, exemples parmi dix ou vingt autres, de proposer une démarche pour mesurer l’impact social d’une association ou détailler, illustrations à l’appui, le contenu souhaitable d’une plaquette annuelle d’organismes associatifs8…
Le consensus sur le but à atteindre émergera de l’animation du milieu associatif : émulation et mise en commun des expériences professionnelles , ce qui peut être réalisé de différentes manières, qui vont de l’organisation du « prix du meilleur rapport »9 à l’édition de recueils de bons usages10 complétés d’articles, de conférences, MOOC et autres actions de formation.
La communication financière des associations en France est encore en devenir : il y a de bonnes prémisses : que des efforts individuels et collectifs permettent de les généraliser. La solidarité passe par là. Vaste et beau projet pour nous les professionnels du chiffre !
Nb : Dans les prochains numéros, vous trouverez la suite de ce développement : « Le regard des dirigeants sur la communication financière de leur association ou de leur fondation » et dans le prochain numéro : « Analyse des rapports et comptes annuels d’associations et de fondations ».
Par Raymond MAËDER, Expert-Comptable – Conseiller IDEAS -Professeur-émérite HEC-Paris
et Suzanne CHAMI, Déléguée Générale IDEAS
> Article paru dans ACTU EXPERTS ASSOCIATIONS n°45, page 15
Lettre d’information éditée par le CSOEC (Conseil Supérieur de l’Ordre des Experts-Comptables)
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1. Florence Carion, « La communication associative », Communication Vol. 28/1 | 2010
2. « Charte d’engagements réciproques entre l’Etat, le mouvement associatif et les collectivités territoriales », www.associations.gouv.fr, 2001 & Observatoire KPMG, «Transparence® et Associations», Février 2007
3. V. Tchernonog, «Le paysage associatif français », 2° édition, Juriséditions, 2013 page 184
4. H.Sibille et coll., « Comment et pourquoi favoriser des investissements à impact social ? Innover financièrement pour innover socialement, Rapport du Comité Français sur l’investissement à impact social », La documentation française, 2014, page 87. www.avise.org/actualites/la-caisse-des-depots-lancenovess
5. A. Gautier, «En finir avec le sophisme des frais de fonctionnement et de collecte», Linkedin
6. Etude de l’AVISE , 2012, citée dans le « Rapport du comité français sur l’investissement à impact social »
7. Trésarieu et collectif, « Réflexions sur la comptabilité », Economica,1990
8. CPA/ICCA, « Amélioration de l’information annuelle des organismes sans but lucratif », (Canada), 2011
9. Cf. le Prix Cristal de la CNCC
10. Cf. « les rapports annuels des sociétés françaises » OECCA