« Quand l’union fait la force »… Jamais adage n’aura été plus vrai que lors des échanges « zoomés », Covid oblige, de la table ronde organisée par l’Institut IDEAS. Retour sur les temps forts de ce rendez-vous annuel, à l’occasion de l’Assemblée générale de l’Institut. L’objectif : réunir les parties prenantes de l’Institut et offrir un temps de réflexion. Thème du jour : « de l’importance de la connaissance du fait associatif ».
Autour de la table virtuelle : trois intervenants de renom, Kais Marzouki, secrétaire général du Haut Conseil à la Vie associative, Céline Laurichesse, Présidente de Pro Bono Lab (1) et directrice fondatrice d’Assemble (2) Floriant Covelli, délégué général de l’Institut français du Monde associatif… Et près de 100 participants attentifs derrière leurs écrans.
S’unir pour être force de proposition face aux pouvoirs publics. S’unir pour se professionnaliser. Et surtout s’unir pour partager les expériences.
Leur constat, relayé par les participants au cours du débat : le monde associatif souffre cruellement d’un manque de reconnaissance et de connaissances pour se faire entendre en haut lieu et par les organismes de financement publics ou privés.
La France compte pourtant 1 500 000 associations, ce qui représente un budget de 113 milliards d’euros, soit 3,3% du PIB. Malgré ça, elles ont du mal à exister dans leur diversité et leur complexité.
Pourquoi ? Fort de son expertise au sein de l’instance de consultation placée auprès du Premier ministre, le HCVA, Kais Marzouki est convaincu, qu’en France, le rapport à la philanthropie est culturel. « C’est lié à notre histoire, à notre relation à l’argent et à l’impôt qui remonte à la Révolution ».
Chacun d’entre nous, chaque citoyen peut s’engager selon des modalités très différentes : don d’argent, don de temps ou mise à disposition des compétences. Mais le rôle de chacun dans sa contribution à l’intérêt général reste flou, tout comme les frontières entre l’Etat, les associations, les mécènes, les organismes financiers et les entreprises. Qui fait quoi, comment, pourquoi et avec qui ?
De son poste d’observatrice en tant qu’intermédiaire entre acteurs du monde associatif et de la philanthropie, Céline Laurichesse plaide pour « sortir de la légende comme quoi tout le monde est expert et dans une logique stratégique quand il s’agit de mécénat et de philanthropie ». Que ce soit auprès des administrations, des collectivités locales, des entreprises… il faut apprendre les codes et comprendre les spécificités de chaque secteur. Défendre une cause et financer un projet ne suffisent pas pour obtenir des résultats sans perte en temps, en énergie et en efficacité.
Tous les acteurs doivent mieux apprendre et comprendre le fonctionnement des associations. (3) Ce qui passe obligatoirement par une remise en cause des stratégies de financement. Il est faux de penser qu’il y a une frontière absolument étanche entre frais de fonctionnement, mesure d’impact, évaluation et financement d’un projet. L’un ne va pas sans l’autre. Pour Céline Laurichesse, « les mécènes doivent comprendre que tout l’argent qu’ils investissent n’ira pas uniquement dans le projet qu’ils soutiennent mais également dans toutes les fonctions utiles à la réussite du projet ».
D’où l’absolue nécessité d’une meilleure connaissance du monde associatif et de ses spécificités. Aussi curieux que cela puisse paraître, en dépit du poids économique que représente les associations en France, peu de recherche académique est effectuée sur ce secteur.
L’Institut Français du Monde Associatif est le premier centre français de recherche dédié au développement et à la promotion de la connaissance du monde associatif. Un outil prospectif indispensable pour son Délégué Général, Floriant Covelli, qui soutient que « les associations n’ont pas besoin que d’oxygène, elles ont besoin d’horizons » … et de propositions comme celles qui émergeront des études faites au travers des projets sélectionnés par l’Institut (25 projets soutenus sur 100 projets étudiés).
Suzanne Chami a tenu à rappeler, en tant que Déléguée générale d’IDEAS, qu’il existe un matériau de recherche riche et encore inexploité, comme celui de l’institut IDEAS, accumulé depuis plus de 10 ans, et qui sera mis à disposition de l’IFMA pour partager une expérience acquise sur le terrain de l’accompagnement.
L’enjeu de ce développement des connaissances influencera naturellement la façon d’opérer des acteurs du monde associatif et de la philanthropie. Traditionnellement la philanthropie en France est distributive en monnaie sonnante et trébuchante, même si apparaissent de plus en plus de mécènes qui prennent en main un projet dans sa globalité. Tessa Berthon, Déléguée générale d’Un Esprit de Famille (4), le confirme : « Au sein d’un Esprit de Famille, nous défendons une certaine idée de la philanthropie, engagée sur le long terme, au plus près des besoins des associations. »
Parallèlement, se développent aussi des « mécènes fédérateurs », qui regroupent autour d’une seule et même cause toutes les actions pour faire face à un grand défi sociétal. Par exemple, l’Alliance pour l’éducation » est un modèle pionnier qui réunit 12 entreprises pour créer un dispositif commun inter-mécènes et inter-associations et apporter sa contribution à un défi de société urgent: le décrochage scolaire.
Ou encore le programme Dynamiques Territoriales de la Fondation de France, une approche globale, qui associe tous les acteurs d’un territoire à la co-construction des projets philanthropiques.
La mise en place de ces sortes de « task-force » est une des pistes à explorer pour amplifier l’impact des actions des associations et des fondations.
Ces initiatives résultent d’un dialogue constructif entre financeurs et acteurs de terrain, dialogue entretenu par des précurseurs tels que l’institut IDEAS, au travers de son Guide des bonnes pratiques et de son offre d’accompagnement.
Autre voie préconisée lors du débat par l’un des participants, Francis Charhon (5), figure éminente du monde associatif : la mise en place d’une plateforme commune avec des moyens financiers et humains en conséquence. Un socle commun de connaissances pour avancer « front uni face à l’Etat ». Seul moyen, selon lui, pour qu’il existe une véritable politique de la philanthropie en France, que tout l’auditoire a appelé de ses vœux.
Comme la crise sanitaire l’a encore montré depuis plus d’un an, le monde associatif est un maillon essentiel de la cohésion sociale. Sans les associations présentes sur tout le territoire et sur tous les fronts de la précarité, de la santé, de l’éducation, du handicap, de la culture, notre société et notre économie auraient encore plus souffert de cette pandémie. En 2011, pour la 1ère fois, les financements privés sont devenus prépondérants dans les budgets des associations par rapport aux financements publics et cette tendance ne cesse de s’accroitre pour atteindre 56 % en 2017.
Derrière les associations et la politique philanthropique de la France, se joue aussi un véritable enjeu démocratique pour notre société.
Sophie Seroussi, journaliste bénévole
- Pro Bono Lab fédère des acteurs locaux, des entreprises, des institutions et des citoyens autour des associations
- Assemble, agence de conseil en mécénat, engagement citoyen et communication d’intérêt général.
- L’Autodiag IDEAS propose aux associations et aux fondations de s’autoévaluer sur les pratiques essentielles de leur organisation
- Un Esprit de Famille est une association qui regroupe des personnes animant un fonds de dotation ou une fondation d’initiative familiale.
- Membre du Comité Label IDEAS et ancien directeur général de la Fondation de France
Trois temps forts de la table ronde
Celine Laurichesse, Présidente de Pro Bono Lab, Directrice Fondatrice d’Assemble, agence conseil en mécénat
Kais Marzouki, Secrétaire général du Haut Conseil à la Vie Associative
Floriant Covelli, Délégué général de l’Institut français du Monde associatif