Depuis quelques années, il existe un large consensus sur la nécessité de mesurer la valeur produite par les organisations à finalité sociale pour la société.

Article paru initialement dans le dossier spécial de Juris Associations n°616

La mesure de valeur sociale produite doit permettre aux organisations à finalité sociale de rendre compte de l’accomplissement de leur mission à leurs parties prenantes et de piloter leur activité. En outre, la raréfaction des ressources financières pousse à optimiser chaque investissement et ainsi à mesurer, pour mieux la valoriser, la contribution réelle de chaque entité aux enjeux de l‘intérêt général.

 

Le chemin d’IDEAS

 

Le chemin proposé par le guide IDEAS des bonnes pratiques, pour répondre à cette ardente demande d’évaluation, est décrit au travers de trois objectifs dans la partie « Pilotage & évaluation » :

  • Un système complet de pilotage : un contrôle de gestion, une méthode de gestion de projet, des comparaisons en interne et en externe (neuf bonnes pratiques) ;
  • Des outils de pilotage comme aide à la décision (cinq bonnes pratiques) ;
  • Des mesures et évaluations de l‘efficacité, de l’efficience et de l’impact (cinq bonnes pratiques).

Ce parcours structuré doit permettre de bien piloter son action et d’être en mesure d’en partager les résultats avec ses différentes parties prenantes internes et externes.

Les deux premiers objectifs concernent essentiellement le pilotage par le déploiement d’outils appropriés : contrôle de gestion, indicateurs, tableaux de bords, comparatifs en interne et externe. Ces outils sont en général déjà déployés dans les organisations.

Le troisième objectif aborde la thématique de la mesure de l’impact social devenue aujourd’hui incontournable dans le dialogue avec les financeurs. L’enjeu pour les associations est de s’approprier cette notion complexe afin d’être force de proposition et de démontrer leur capacité à générer une plus-value sociale. Les acteurs sont confrontés à de nombreuses questions sur le contenu et les modalités pertinentes de cette évaluation car il n’y a aucune norme, ni consensus sur la façon d’évaluer l’impact social.

Néanmoins le guide IDEAS des bonnes pratiques incite à la mise en place de cette démarche pour mieux piloter, démontrer et s’améliorer. Ainsi, l’association Agronomes et Vétérinaires sans Frontières (AVSF)*, première association labellisée IDEAS en 2010, partage son expérience de l’évaluation mise en œuvre depuis plus de 20 ans.

Témoignage d’Agronomes et Vétérinaires sans Frontières (AVSF)

 

La qualité des actions mises en œuvre avec les partenaires du Sud est au cœur de la préoccupation d’AVSF, de même que la capacité à témoigner de leurs résultats, effets et impact sur les organisations et communautés paysannes du Sud et leurs territoires. Cette assurance de qualité est devenue un critère fondamental de choix et de confiance des bailleurs publics et privés et des donateurs.

Depuis près de 20 ans, AVSF s’est engagée dans un chantier d’amélioration permanente des dispositifs de suivi de ses actions engagées et d’évaluation de leurs effets et leur impact. Ces dispositifs sont essentiels pour un pilotage adéquat des projets : sans un suivi documenté des activités engagées, des résultats atteints et une évaluation même partielle de leurs premiers effets, il n’est pas possible d’être efficace et efficient, donc de concevoir des stratégies d’action adaptées et d’effectuer à temps avec les partenaires et bénéficiaires, les changements souvent requis au fil du temps. Ils permettent également de fournir une information précise, objective et rendue à temps à toutes les parties prenantes du projet des résultats obtenus et des effets des actions. Enfin, grâce à des données objectives, ils soutiennent l’action de sensibilisation et d’éducation menée en France, de même que le dialogue politique engagé au Sud comme en Europe pour des politiques publiques plus favorables aux agricultures familiales.

Les dispositifs mis en place se veulent pragmatiques et simples. Des mesures, qualitatives et quantitatives, de la situation initiale de référence sont toujours réalisées. Parallèlement, des évaluations intermédiaires et finales des actions sont systématiquement engagées. Enfin, des évaluations d’impact ex post « 10 ans après » sont organisées et réalisées par des bénévoles compétents.

Sur la côte est de Madagascar, AVSF soutient ainsi depuis 2007 le renforcement de coopératives paysannes actives sur les filières à l’export du commerce équitable de fruits, épices et sucre. Dans un contexte de pauvreté et d’insécurité alimentaire, ces cultures de rente jouent un rôle important pour les familles paysannes. Le suivi permanent d’indicateurs et une évaluation réalisée en 2017 ont ainsi montré une évolution spectaculaire de ces organisations. La seule coopérative Fanohana a vu sa base sociale passer de 152 familles membres en 2011, à 550 fin 2017. Ses ventes de litchi sont en hausse exponentielle : plus de 780 tonnes en 2016-2017, 12 clients dont 5 en Europe. Depuis 2014, l’augmentation des volumes commercialisés sur ces marchés rémunérateurs permet à la coopérative de financer sur fonds propres tous les postes principaux ainsi que les salariés temporaires des unités de transformation des épices. La coopérative Fanohana s’est ainsi constituée comme une référence : elle constitue l’une des expériences les plus abouties à Madagascar de structuration de coopératives autonomes sur les marchés d’exportation, qui incitent les paysans de communautés voisines à s’organiser pareillement.

En Mongolie, c’est une évaluation ex post réalisée en 2018 qui a mis en valeur l’impact d’un programme d’appui à la création de groupements de défense sanitaire dans la province de l’Arkhangaï, mis en place de 2004 à 2010. L’élevage occupe dans le pays une place prépondérante. L’encadrement sanitaire existant est toutefois souvent insuffisant. Dès 2004, des groupements de défense sanitaire (GDS) ont été créés par AVSF pour apporter aux éleveurs de la formation et une aide à la lutte collective contre le parasitisme, en finançant le traitement de campagnes sanitaires et en incitant clairement les éleveurs des mêmes vallées à travailler ensemble. La création d’une « Fédération des éleveurs de la région de l’Arkhangai » a permis d’animer ces réseaux d’éleveurs et GDS et d’assurer le financement de ces activités expérimentales. L’évaluation a pu vérifier que la majorité des GDS mis en place il y a plus de 10 ans existent toujours ; ils démontrent la pertinence et l’utilité de telles structures dans un pays comme la Mongolie pour relever – avec les services vétérinaires publics et privés – le défi de l’amélioration de la santé animale.

Dans le dialogue permanent construit avec l’Institut IDEAS, AVSF a ainsi pu faire valoir cette expérience dans la construction des référentiels successifs portant sur le pilotage et l’évaluation des actions associatives, en matière d’impact social. Parallèlement, la labellisation IDEAS a incité l’association à appliquer cette même rigueur et ce même pragmatisme au pilotage et à l’évaluation de l’ensemble de ces activités. L’association dispose aujourd’hui d’indicateurs et de tableaux de bords lui permettant de suivre et d’évaluer régulièrement son efficacité et son efficience en matière de mise en œuvre opérationnelle de sa stratégie quinquennale, de gestion financière et budgétaire, de gestion des ressources humaines ou encore des risques. Elle s’est dotée d’un service dédié au contrôle interne qui organise des missions régulières dans les pays de coopération et au siège. Mesure de l’impact social, pilotage de la mise en route opérationnelle de sa stratégie, suivi de l’efficience et de l’efficacité de son organisation et de sa gestion, cartographie et suivi des risques, autant d’éléments devenus fondamentaux pour les décisions de sa direction et son conseil d’administration.

Auteurs :

Pierre Marcenac, Administrateur de l’Institut IDEAS

Frédéric Apollin, Directeur général d’Argonomes et Vétérinaires sans frontières (AVSF)

Article initialement paru dans Juris Associations n°616

*AVSF soutient l’agriculture paysanne, en aidant les communautés rurales des pays du Sud menacées par l’exclusion et la pauvreté à retrouver leur autonomie alimentaire et économique, tout en développant un modèle agricole durable et respectueux de l’environnement.